Dans sa lettre d’observations du 31 mars, la Commission européenne, tout en reconnaissant l’impératif de sécurité alimentaire, demande à la France d’amender son PSN en durcissant ses normes environnementales au-delà des exigences du règlement européen. L’AGPB est mobilisée pour défendre la production céréalière.
Les lettres d’observations sur les Plans Stratégique Nationaux
La Commission européenne a envoyé Le 31 mars 2022 les 19 lettres d’observations sur les premiers Plans Stratégique Nationaux (PSN) qu’elle avait reçus fin décembre 2021. Et elle vient d’envoyer 3 autres lettres.
Dans le document destiné à la France et long de 34 pages, la Commission soulève 183 points sur lesquels elle demande à la France des explications, des justifications ou des modifications.
La tonalité de la lettre est très critique, et les autres États membres ne semblent pas mieux traités dans leurs lettres d’observations respectives.
Globalement, les critiques portent essentiellement sur l’environnement, pour lequel l’ambition serait insuffisante, ainsi que sur un ciblage social trop timide et sur la faiblesse des investissements.
Soufflant le chaud et le froid, la Commission fait précéder sa lettre, apparemment rédigée avant l’invasion de l’Ukraine, par un préambule d’une page dans lequel elle invite la France à revoir son PSN pour tenir compte de la guerre en Ukraine, avec les objectifs de garantir un approvisionnement alimentaire suffisant, faire face aux crises du climat et de la biodiversité, renforcer la résilience de l’agriculture, réduire la dépendance aux engrais de synthèse, développer la production d’énergies renouvelables, favoriser l’agriculture de précision et les protéines végétales.
Les critiques sur la conditionnalité et les écorégimes
Sur la future BCAE 6 pour laquelle le règlement européen se contente de mentionner la couverture minimale des sols pendant les périodes les plus sensibles, la Commission semble demander la couverture des sols toute l’année pour toutes les terres arables et cultures permanentes, ainsi que l’interdiction du labour post récolte.
Sur la BCAE7, alors que la France, comme 14 États membres sur 25, entend utiliser la diversification comme règle générale avec la rotation comme alternative, la Commission souligne que la rotation doit être la règle générale et la diversification l’alternative pour laquelle elle demande un zonage et des justifications.
Sur la BCAE 8, elle demande à la France de préciser les coefficients de pondération pour le calcul de la surface en éléments non productifs. Et pour les haies, déjà sanctuarisées de fait en France, et alors que le règlement européen ne mentionne qu’une exigence de « maintien des particularités topographiques » à moduler selon les Etats membres, la Commission va jusqu’à exiger l’interdiction de toute exploitation du bois.
Le schéma des écorégimes tel que le propose la France avec ses trois voies d’accès est également critiqué. La Commission juge le dispositif trop complexe et insuffisamment ambitieux d’un point de vue environnemental. Elle suggère de mettre en place un 3ème niveau de paiement et critique le financement de l’agriculture biologique qui serait à la fois excessif (conversion) et insuffisant (maintien).
Sur la certification environnementale, pour laquelle les référentiels HVE et CE2+ sont en cours de définition, elle demande à la France de suspendre cette voie d’accès, pourtant essentielle, jusqu’à la finalisation des futurs cahiers des charges.
Prochaines étapes : L’AGPB mobilisée
La France a rapidement fait une première réponse à la lettre d’observations de la Commission. Le 22 avril, le ministre J. Denormandie a écrit au commissaire J. Wojciechowski pour l’inviter à prendre en compte les autres politiques françaises concernant l’agriculture (plans d’investissement, Label bas carbone, bio, restrictions d’usage des produits phytosanitaires, plan protéines), pour réaffirmer la priorité à porter à la sécurité alimentaire, et pour souligner qu’en matière de compétitivité de l’agriculture, des mesures de réciprocité dans la politique commerciale européenne constituent un préalable.
Sur la forme, force est de constater que, sur de nombreux points, la Commission européenne pose des demandes qui vont bien au-delà du règlement européen, cherchant à imposer des objectifs sur lesquels elle n’a pas obtenu satisfaction lors des négociations de juin 2021 sur la PAC ou qui sont encore en discussion dans le cadre de la stratégie « Farm to Fork » qui, rappelons-le, n’a aucune valeur juridique.
Et sur le fond, même si elle en fait état en préambule de sa lettre, la Commission ne semble absolument pas prendre en compte la nécessité de maintenir voire d’augmenter la production agricole pour garantir la sécurité alimentaire de l’Europe et participer à celle des pays qui risquent de souffrir de la faim dans les mois à venir.
L’AGPB est mobilisée, en lien avec la FNSEA et aux côtés des autres représentants de grandes cultures, pour défendre l’approche du PSN français et sauvegarder l’équilibre obtenu jusqu’ici entre la nécessité de produire et l’impératif de protection du climat et des ressources naturelles.
Dans un calendrier politique dominé par la crise ukrainienne et les élections françaises, les prochaines échéances sont incertaines et l’adoption du PSN français pourrait bien intervenir après le 1er juillet, c’est-à-dire trop tard pour que les producteurs puissent le prendre en compte dans leurs décisions d’assolement pour 2023. Si tel devait être le cas, nous demanderions alors des assouplissements pour que les agriculteurs ne soient pas, une fois de plus, pénalisés par des dissensions politiques qui méconnaissent la réalité agricole.