Céréales les opérateurs dans l’attentisme

En France, les moissonneuses commencent à battre l’orge d’hiver. La campagne d’exportation s’achève. La guerre en Ukraine et les prix pharaoniques des céréales désorganisent autant qu’ils arbitrent les échanges commerciaux.

Même à plus de 400 € la tonne, le blé français est compétitif. La France achève la campagne avec des exportations en léger retrait par rapport aux prévisions établies les mois passés. Lors du dernier conseil spécialisé « grandes cultures » de la campagne 2021-2022, FranceAgriMer a de nouveau revu les prévisions d’exportations de blé vers les pays tiers en baisse de 150 000 tonnes. A la fin du mois de juin, notre pays aura ainsi exporté 9,1 millions de tonnes (Mt). En ajoutant les ventes réalisées avec ses voisins européens, il aura vendu 17,5 Mt de blé, soit 3,6 Mt de plus que la campagne passée.     

En fait, les pays importateurs de céréales attendent la prochaine récolte pour revenir aux affaires, en espérant que les prix des céréales se seront d’ici là assagis. Mais en Afrique subsaharienne, le Sénégal fait partie du nombre croissant de pays qui n’ont plus les moyens d’acheter du blé. Tandis que d’autres sont parvenus à se constituer des stocks importants. Il en est ainsi de l’Algérie qui a financé l’équivalent de dix mois de consommation intérieure simplement par la hausse des revenus pétroliers et gaziers.

Quant à la prochaine campagne, l’ensemble des acteurs de la filière céréalière mise en France sur le retour des précipitations pour restaurer le potentiel de production amoindri par deux mois de sécheresse. C’est au mois de juin que les grains se remplissent. Sauf qu’à la mi-juin, le temps était caniculaire. Dans un récent communiqué, la Commission européenne a estimé à 130,4 Mt la production européenne de blé. Il ne s’agit là que d’une énième prévision susceptible d’être revue à la baisse ou à la hausse. En Bulgarie et en Roumanie, le déficit hydrique observé depuis plusieurs semaines, cumulé à de fortes températures, affectent la floraison et la pollinisation des épis de blé.

Russie : 83,5 Mt de blé 

Pour l’orge, la nouvelle campagne 2022-2023 a commencé en France avec quelques semaines d’avance : les moissons ont déjà commencé dans le sud-ouest. Selon le dernier bulletin Agreste (ministère de l’Agriculture), la production d’orges d’hiver est estimée à 8,25 Mt (+0,4 % sur un an). Mais les cultures d’orges de printemps ont été très affectées par l’absence de précipitations dans les semaines qui ont suivi leur implantation. Le 6 juin dernier, seules 53 % sont bonnes ou très bonnes, soit 30 points de moins que l’an passé à la même époque. Toutes orges confondues, l’Union européenne serait en mesure de produire 52.3 Mt l’été prochain. En attendant, la France achèverait sa campagne d’export en ayant vendu 3,35 Mt d’orges hors de l’Union européenne, 2,72 Mt à ses voisins européens et l’équivalent d’1,35 Mt de grains sous forme de malt.

Sur la scène internationale, les pays importateurs de céréales, qui ont encore les moyens d’acheter des grains, adaptent leurs stratégies d’achats et de ventes en prenant en compte le retrait forcé de l’Ukraine des marchés mondiaux. Quelques initiatives ont été lancées pour transporter notamment des grains par voie ferroviaire depuis l’Ukraine vers le port lituanien de Klaipeda, situé au bord de la mer baltique. Mais les quantités acheminées sont limitées (1 500 tonnes par train et par jour) et les coûts de transports onéreux. Depuis l’ouverture des hostilités en Ukraine, seul un million de tonnes de grains est exporté par mois (3 Mt l’an passé à la même époque). Si l’Ukraine ne parvient à expédier les 20 Mt de grains encore en stocks et à vider ses silos, le pays ne pourra pas stocker la nouvelle récolte de céréales même si celle-ci n’excéderait pas 46 Mt. Alors que la Russie s’apprête à produire 83,5 Mt de blé, lui offrant la possibilité d’en exporter jusqu’à 39 Mt au cours de la prochaine campagne 2022-2023 !

La rédaction Actuagri - Christophe Soulard