Future PAC, quel contenu ?

Les positions du Conseil et du Parlement étant maintenant établies, le futur règlement européen sur la PAC sera connu au 1er semestre 2021. On peut déjà anticiper son contenu, qui restera proche des propositions de 2018 : renationalisation, multiplicité des paiements alloués au gré des Etats membres, durcissement des obligations environnementales, introduction de l’Ecoscheme. Le PSN français dépendra essentiellement des objectifs nationaux d’orientation de l’agriculture et de rééquilibrage des soutiens entre secteurs et régions.

Où en est la réforme ?

Le Conseil des ministres de l’agriculture européens a défini le 20 octobre sa position sur la réforme de la PAC, sous la forme de plusieurs centaines d’amendements à la proposition législative publiée par la précédente Commission européenne en juillet 2018. De même, le Parlement européen, après 4 jours de votes marathon, a adopté le 23 octobre son rapport et ses amendements sur la réforme.

Ce n’est que le début d'un long processus de « trilogue », au cours duquel les trois institutions vont devoir négocier pour arriver à une version finale commune. Ces négociations démarrent mi-novembre, et devraient durer environ 6 mois pour aboutir au cours du 1er semestre 2021 sous la future présidence portugaise du Conseil.  Quant aux plans stratégiques nationaux de mise en œuvre de la nouvelle PAC, les Etats membres n’ont pas attendu le règlement européen pour commencer à les préparer, et on attend leur validation par la Commission au printemps 2022 pour une mise en œuvre de la nouvelle PAC en janvier 2023.

Projets Conseil et Parlement, quelles différences ?

Les grandes lignes du projet initial de la Commission ne sont pas remises en cause par le Conseil et le Parlement. La gestion de PAC sera donc transférée aux Etats membres, ce qui s’appelle une renationalisation. Par ailleurs, l’architecture des paiements restera intacte dans sa complexité, avec trois changements principaux :

  • L’inclusion de l’ancien verdissement dans la conditionnalité ;
  • La création d’un nouveau paiement « Ecoscheme » dans le 1er pilier, ce qui signifie un nouveau durcissement des normes environnementales pour les agriculteurs ;
  • L’introduction de nouveaux programmes opérationnels accessibles aux organisations de producteurs de tous les secteurs de production agricole.

Pour le reste, tout dépendra des Etats membres :

  • La définition des mesures et des paiements Ecoscheme est entièrement du ressort des autorités nationales ;
  • Elles ont également une marge de manœuvre quasi illimitée dans la répartition des enveloppes d’aides des deux piliers (paiement de base, paiement redistributif, transfert P1/P2, ICHN…).

Dans ces conditions, quelles sont les modifications apportés par le Conseil et le Parlement ?

Le plus important est le périmètre de la conditionnalité (obligations environnementales), que les deux institutions ramènent aux normes actuelles « conditionnalité + verdissement » alors que la Commission proposait des obligations supplémentaires au choix des Etats-membres sur la fertilisation, les rotations et les surfaces non productives.

Pour le reste, les modifications apparaissent mineures, même si certaines pourront avoir un impact en France, notamment sur l’enveloppe et les objectifs de l’Ecoscheme, où le Parlement rajoute aux objectifs environnementaux les objectifs sociétaux « tout en poursuivant les objectifs de revenu, résilience et compétitivité ». Sur le budget consacré aux Ecoschemes, non précisé par la Commission, le Conseil le souhaite d’au moins 30% du total des paiements directs avant transferts P2 alors que le Parlement le veut compris entre 30% (réductible du montant du transfert) et 40% du total.

On peut également mentionner, du côté du Parlement, l’introduction novatrice d’un effort minimal consacré à l’économie dans le second pilier, dont 30% au moins seraient réservés aux investissements, à la gestion des risques, la coopération et l’information, avec l’objectif d'une agriculture « intelligente, résiliente et diversifiée ». Citons enfin les enveloppes d’aides couplées et de transferts du 1er vers le 2nd pilier, que le Parlement limite (chacune à 12% des paiements directs) plus strictement que la Commission (respectivement 12% et 32%) alors que le Conseil souhaite au contraire les élargir (15% et 42%).

Les amendements du Parlement, même mineurs, apparaissent en général pertinents pour les agriculteurs car facteurs d’équilibre entre mesures environnementales et aspects économiques, alors que le Conseil, sous l’impulsion de la présidence allemande, a avant tout élargi au maximum les marges de manœuvre des Etats membres pour obtenir un accord à 27.

Quels enjeux pour la France ?

Le budget européen consacré aux paiements directs et au développement rural est déjà connu car il a été décidé par le Conseil le 21 juillet dernier, en amont de la réforme. Pour la France il est quasiment constant en valeur courante à 8,92 milliards d’euros en moyenne annuelle entre 2021 et 2027 contre 8,87 milliards en 2020. Plus précisément, les paiements directs baissent de -2% à 7,29 milliards tandis que le développement rural est en hausse de 14% à 1,63 milliards.

Compte tenu des choix actuels de mise en œuvre de la PAC par la France, on peut d’ores et déjà prévoir que les décisions françaises de déclinaison de la prochaine PAC seront moins affectées par les derniers compromis sur le règlement européen attendus à l’issue du trilogue que par les grands objectifs nationaux d’orientation de l’agriculture :

  • Le nécessaire rééquilibrage des soutiens entre secteurs et régions, notamment au vu des difficultés économiques rencontrées depuis 2013 par les producteurs de grandes cultures et de la situation préoccupantes des zones intermédiaires, qui influeront sur les choix de convergence et les montants alloués aux paiements redistributifs, paiements couplés, ICHN, gestion des risques ;
  • La conception du nouvel Ecoscheme : définition des mesures (certification…), niveaux de paiements ;
  • La nécessaire réorientation des aides à l’investissement en faveur des investissements productifs liés à la transition agroécologique ;
  • Le développement souhaitable de l’assurance récolte ;
  • Les contraintes budgétaires nationales de cofinancement du développement rural.
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